Tête-à-tête avec les Chutes Victoria

« Paisible jusque-là, voici que le Zambèze se brise sur un front de près de deux kilomètres, précipitant à 120 mètres en contre-bas, au fond d’un canyon, ses eaux soudainement gonflées, tandis que par une sorte d’éternuement vertical il projette si haut dans le ciel une dansante mousseline de vapeur que l’on aperçoit à 40 km de distance, rideau aux cinq pans accolé qu’on prend de loin pour une barrière de fumée, indice habituel des feux de brousse africains.

Phénomène extraordinaire, chute double en hauteur de celle du Niagara, prodigieuse masse d’eau déversant, en avril et mai, jusqu’à 350 millions de litres d’eau par minute dans cette fissure inexplicable du plateau, qui va continuer à buriner ses zigzags sur 60 km.
Une journée ne saurait suffire pour un tête-à-tête total avec les chutes Victoria. Il faut les contempler de face, sur toute leur longueur ; de dessous, en approchant par des sentiers vertigineux jusqu’aux bouillonnement insensé dans lequel elles se ramassent au fond de la gorge ; il faut, si l’on peut, les survoler pour en bien saisir l’architecture tourmentée.

Elles n’auront jamais fini de vous tendre leurs attractions : la pluie horizontale cravachant par spasmes la fameuse « forêt de la pluie », leurs ravins gorgés de la plus fascinante végétation tropicale, les arcs-en-ciel décalqués dans leur buée, le franchissement du pont géant qui – longtemps le plus haut du monde – enjambe le canyon et sur lequel trains et voitures se font gentiment asperger, les singes paressants dans les fonds, mais toujours assez discrets pour s’éloigner à votre approche. ».