Capitale du premier État des Slaves de l’Est, Kyiv (en ukrainien : Київ) doit son nom à Ki, l’un des princes polianes qui, d’après les chroniques, l’aurait fondée.
Le site de Kyiv est habité par l’homme depuis le Paléolithique supérieur. Les tribus de la région y pratiquent l’agriculture et l’élevage et commercent avec les peuples nomades des steppes méridionales (Scythes, Saramtes et Khazars) ainsi qu’avec les colonies grecques de la Mer noire.
La ville de Kyiv a été fondée à la fin du VIe siècle par les Polianes, une tribu slave établie sur les rives de la Warta (en Pologne occidentale actuelle).
Au IXe siècle, la ville tombe dans les mains des Varègues, des Vikings venus de Suède qui règnent sur la ville jusqu’à l’arrivée du prince Oleg, qui régnait sur Novgorod et qui fait de Kyiv la capitale du premier État slave oriental : la Russie kiévienne. Profitant de son port fluvial sur le Dniepr, Kyiv développe alors un commerce florissant avec Byzance au sud et les ports de la Baltique au nord : la « route de l'ambre » ou « route des Varègues ».
A la fin du Xe siècle, Kyiv est christianisé suite au baptême du prince Vladimir le Grand (Saint Vladimir) selon le rite byzantin et à son mariage avec la sœur du basileus Basile II de Constantinople. Sous l’impulsion de son fils, Iaroslav le Sage, Kyiv se dote de nombreux bâtiments et établissements religieux (Cathédrale Sainte-Sophie, Laure des catacombes, Porte d’or). Kyiv est alors le centre économique et religieux de toute la région entretenant des relations diplomatiques avec l’Orient et l’Occident (pour l’anecdote, une de ses filles, Anne de Kiev épousera en 1051 le petit-fils d’Hugues Capet, Henri Ier de France).
Le déclin de Kyiv viendra tout à la fois des coups de boutoir des tribus nomades des steppes méridionales (Khazars, Pechenègues et Polovtsy) et des luttes internes pour le pouvoir entre les différents princes de la Russie kiévienne. En 1169, la ville est ainsi pillée par André Bogolioubski, prince de Rostov-Souzdal, puis assiégée et incendiée par Batu Khan, le petit-fils de Gengis Khan à la tête des armées mongoles en 1240. En 1246, il ne reste presque rien de la fière cité ukrainienne.
En 1362, Kyiv passe sous la domination du grand-duché de Lituanie. Mais elle n’est à l’époque qu’une forteresse avancée de ce royaume, une marche entre la Lituanie et les Tatars qui dominent les steppes avoisinantes et l’attaque régulièrement à l’image du sac de 1482 par le khan de Crimée. De sa grandeur passée, Kyiv ne garde que le siège d’un métropolite et un certain dynamisme commercial que Sigismond Ier reconnait en 1516 en lui conférant une charte d’autonomie.
En 1569, par l’union de Lublin, la Lituanie cède l’ensemble de ses territoires ukrainiens à la Pologne. Kyiv devient un grand centre spirituel de l’Orthodoxie, en résistance grandissante au catholicisme polonais. En 1632, le métropolite de Kyiv Pierre Movilă fonde une académie en s’inspirant du modèle pédagogique des Jésuites.
En 1648, l’hetman cosaque Bogdan Khmelnitski s’empare de Kyiv et cherche à fonder un état ukrainien cosaque. En difficulté dans ses combats contre les Polonais, il demande la protection en 1654 au tsar de Moscovie. La trêve d’Androussovo de 1667 consacre la suzeraineté de Moscou sur la rive gauche du Dniepr (et sur Kyiv pourtant sur l’autre rive), laissant la rive droite à la Pologne. En 1793, le deuxième partage de la Pologne permet à la tsarine Catherien d’annexer la rive droite du Dniepr, d’abolir l’Hetmanat cosaque et d’incorporer l’Ukraine dans l’empire russe.
Le XIXe siècle voit Kyiv s’urbaniser rapidement, en se dotant d’immeubles bourgeois qui lui donne une allure de capitale provinciale de l’empire russe. En 1834, est fondée l’université de Kyiv, qui deviendra un des foyers du mouvement démocratique national polonais et du nationalisme ukrainien. Persécutés par le pouvoir tsariste, les nationalistes devront se réfugier à Lviv, partie de l’Ukraine rattachée alors à l’Empire austro-hongrois.
La ville se russifie alors avec l’arrivée de vague migratoires russes au point que la ville devient majoritairement russophone au début du XXe siècle. En revanche, l’élite locale (aristocratie, bourgeoisie, militaires) tentent de maintenir clandestinement la culture ukrainienne vivante.
Le développement industriel et commercial de Kyiv s’accélère tout au long du XIXe siècle. Cela tient au fait que la région est une région de grande exportation de céréales et au développement autour de Kyiv de nombreuses manufactures (tabac, textile, cuire, bière). Kyiv est par ailleurs relié par chemin de fer à Moscou au nord et à Odessa au sud (son débouché sur la Mer Noire).
La Révolution russe de 1917 met fin au régime tsariste. A Kyiv, est élu en avril 1917 un parlement, la Rada centrale qui proclame l’indépendance de l’Ukraine en janvier 1918. Kyiv devient donc la capitale de de la nouvelle République populaire ukrainienne. Cette république sera rapidement mise à mal par les bolchéviques qui s’emparent de Kyiv en février 1918 et répriment le mouvement indépendantiste.
Elle est toutefois sauvée par le traité de Brest-Litvosk du 3 mars 1918 qui impose au gouvernement soviétique de reconnaître l’indépendance de l’Ukraine. Mais les combats reprennent très vite et Kyiv est repris fin 1919 et mi 1920 en deux temps par l’Armée rouge.
L’Ukraine est définitivement intégrée à l’Union soviétique en 1922 en tant que République socialiste soviétique d'Ukraine. Rendus méfiants par l’activisme des habitants de Kyiv, cette dernière ne sera pas choisie comme capitale du nouvel état au profit de Kharkiv. Il faudra attendre 1934 pour Kyiv récupère son statut de capitale ; après la catastrophe que représentera la grande famine orchestrée par Staline entre 1932 et1933.
Le déclenchement de l’opération Barbarossa en juin 1941 voit l’Allemagne nazie aux portes de Kyiv. Après une bataille de 90 jours, la ville est conquise par les troupes allemandes. Les attentats déclenchés par le NKVD fin septembre 1941 et les incendies qui s’ensuivirent détruisirent une bonne partie du centre de la ville tuant indistinctement Allemands et Ukrainiens.
Les Juifs de Kyiv furent les premières victimes des Nazis. Dès septembre 1941, les Einsatzgruppen massacrèrent plus de 33.000 hommes, femmes et enfants juifs dans un ravin (massacre de Babi Yar).
Lorsque l’Armée rouge parvient après de durs combats à enfin à reprendre Kyiv en novembre 1943, 40% de la ville est détruite. Les autorités soviétiques décernent à Kyiv le titre de Ville héros pour commémorer la résistance de la ville.
La ville sera rapidement reconstruite à la sortie de la guerre et devient le troisième centre économique de l’Union soviétique. Elle sera touchée par les retombées radioactives consécutives à l’explosion en avril 1986 de la centrale nucléaire de Tchernobyl.
L’arrivée à la tête de l’Union soviétique de Mikhaïl Gorbatchev en 1985 fait souffler un vent de liberté en Ukraine. Les manifestations nationalistes ne sont plus réprimées et elles se font de plus en plus massives à partir de 1989 pour réclamer la reconnaissance de la langue ukrainienne comme langue officielle ou l’autonomie de l’église orthodoxe par rapport à celle de Moscou. Elles aboutiront à la déclaration d’indépendance du 24 août 1991 par le parlement ukrainien qui fait de Kyiv sa capitale. Le 1er décembre 1991, l’indépendance est confirmée massivement (à plus de 80%) par référendum.
Kyiv, capitale européenne, redevient un centre urbain important et se moderne rapidement en se tournant vers l’Europe aux dépens de ses liens historiques avec la Russie. Mais la transition se fait dans un certain chaos, du fait de l’absence de tradition démocratique et de montée en puissance d’oligarques peu scrupuleux, chaos qui va se retrouver dans l’urbanisme récent de Kyiv.
Dans un pays traversé par des aspirations contradictoires (entre Russie et Europe), Kyiv devient le foyer des défenseurs d’une Ukraine démocratique tournée vers l’Europe. Fin 2004, Kyiv devint l’épicentre de la contestation des résultats d’une élection présidentielle entachée de fraude (Révolution orange) qui mène à l’annulation de l’élection à la chute du président Viktor Ianoukovytch et à l’élection de Viktor Iouchtchenko soutenu son alliée Ioulia Tymochenko.
Finalement arrivé au pouvoir démocratiquement en 2010 (contre Tymochenko), Viktor Ianoukovytch doit quitter le pouvoir sous la pression de la rue après des manifestations qui durèrent 3 mois (Euromaïdan) dénonçant la corruption de son régime et protestant contre son refus de signer un accord de rapprochement avec l’Union européenne.
Le 24 février 2022, après des mouvements de troupe massifs russes aux frontières de l’Ukraine, l’armée russe déclenche ce qui devait être une guerre éclair contre le régime supposé affaibli du président démocratiquement élu Volodymyr Zelensky.
L’histoire est en train de s’écrire mais en attendant, Kyiv fait l’objet de sévères bombardements comme d’autres grandes villes ukrainiennes, obligeant les populations civiles à se réfugier dans les abris construits pendant la guerre froide ou dans les stations de métro. Près de la moitié de la population de Kyiv, soit près de deux millions de personnes, ont déjà quitté la capitale ukrainienne pour se réfugier dans la partie occidentale du pays.