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Les
Neiges
du
Kilimandjaro
par
Ernest
Hemingway |
Résumé
Cette
nouvelle raconte l’histoire d’un écrivain maudit, qui a épousé
une riche héritière en espérant refaire sa vie et
retrouver son talent, et se retrouve au pied du Kilimandjaro, avec une
jambe gangrénée à se remémorer son passé
; il mourra dans l’avion qui devait le sauver, écrasé contre
la montagne.
Préambule
«
Le Kilimandjaro est une montagne couverte de neige, haute de 6.021 mètres,
et que l’on dit être la plus haute montagne d’Afrique. La cime ouest
s’appelle le « Masaï Ngáje Ngái », la Maison
de Dieu. Tout près de la cime ouest, il y a une carcasse gelée
et desséchée de léopard. Nul n’a expliqué ce
que le léopard allait chercher à cette altitude. »
La
nature, le Kili et le destin d'un homme
«
Ensuite il s’allongea et se tut un moment, regardant la lisière
de la brousse, par-delà le miroitement de la chaleur sur la plaine.
Il y avait quelques tommies (gazelles de Thomson) qui se détachaient
minuscules et blancs sur le jaune et, très loin, il apperçut
un troupeau de zèbres, blanc contre le vert de la brousse. C’était
un campement agréable que celui-là, planté sous de
grands arbres, contre une colline, avec de l’eau potable et, tout près,
un trou d’eau presque tari où les gangas des sables volaient le
matin. »
«
C’était le soir, et il avait dormi. Le soleil avait disparu derrière
la montagne ; il y avait une ombre sur toute la largeur de la plaine, et
les petits animaux se montraient près du camp : têtes prestement
éclipsées et queues flottantes, il les voyaient s’écarter
nettement des fourrés, maintenant. »
«
Et maintenant, cette vie qu’il s’était refaite aller prendre fin
parce qu’il n’avait pas mis de teinture d’iode deux semaines plus tôt,
quand une épine lui avait égratigné le genou alors
qu’il s’approchait, pour les photographier, d’un troupeau de singsings,
raides sur pattes, têtes dressées, scrutant l’espace et fouillant
l’air des naseaux, leurs oreilles élargies pointées, à
l’affût du moindre son qui les précipiterait à toute
allure dans la brousse. »
«
Compton mit le moteur en marche et monta. Il agita la main vers Hélène
et les boys, et tandis que les pétarades sèches se muaient
peu à peu en vrombissement assourdissant qui lui était familier,
l’avion vira – Compie à l’affut des trous de phacochères
– mugissant, cahotant sur la bande de terrain entre les feux, et dans une
dernière secousse s’éleva et il les vit tout en bas, agitant
la main, le camp à flanc de colline qui allait s’applatissant, la
plaine se déployant au loin, les bouquets d’arbres et la brousse
qui se plaquait au sol, avec les pistes de gibier qui maintenant menaient
insensiblement aux trous d’eau taris, et il y avait un nouveau point d’eau
dont il n’avait jamais soupçonné l’existence. Les zèbres,
petits dos ronds maintenant, et les gnous, taches à grosses têtes
qui semblaient grimper alors qu’ils se déplaçaient à
travers la plaine en longues antennes, se désagrégeant maintenant
que l’ombre approchait ; ils devenaient minuscules et uniquement mouvement
sans galop, et la plaine à perte de vue, gris jaune à présent
avec devant le dos de tweed de ce vieux Compie et le chapeau de feutre
marron. Ensuite, ils se trouvèrent au-dessus des premières
hauteurs avec les gnous qui les escaladaient par les pistes, puis au-dessus
des montagnes avec de brusques abîmes de forêts dressant le
vert de leurs cimes, les pentes couvertes de bambous qui se détachaient
si nettement, et de nouveau l’épaisse forêt sculptée
en saillants et en creux, jusqu’à ce qu’ils l’eussent franchie,
et les monts peu à peu dévalèrent, puis une autre
plaine, brûlant à présent et d’un brun pourpre. »
«
Ensuite, ils eurent d’autres montagnes sombres devant eux. Et alors, au
lieu d’aller vers Arusha, ils tournèrent à gauche (…) il
vit un nuage d’un rose tamisé se déplacer au-dessus du sol
et dans l’air, comme la première neige d’un blizzard soudain surgi
de nulle part, et il comprit que les sauterelles arrivaient, venant du
Sud. Ensuite ils commencèrent à prendre de l’altitude en
direction de l’Est, semblait-il ; après quoi, cela s’obscurcit et
ils se trouvèrent en pleine tempête, la pluie tellement drue
qu’on eût cru voler à traver une cascade, et puis ils en sortirent
et Compie tourna la tête et sourit en montrant quelque chose du doigt
et là, devant eux, tout ce qu’il pouvait voir, vaste comme le monde,
immense, haut et incroyablement blanc dans le soleil, c’était le
sommet carré du Kilimandjaro. Et alors il comprit que c’était
là qu’il allait. »
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