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La
chasse africaine
par
Ernest
Hemingway |
Photographies
«
Nous essayâmes de prendre des photographies, mais nous n’avions que
le petit appareil et l’obturateur se bloquait et il y eut une amère
discussion à propos de l’obturateur, tandis que la lumière
baissait, et j’étais nerveux maintenant, irritable, solennel, sûr
d’avoir raison à propos de l’obturateur et porté à
me croire lésé par ce que nous ne pouvions pas prendre de
photographies. »
Buffles
«
Je verrais les buffles paître là où ils vivaient et,
quand les éléphants traverseraient les collines, nous les
verrions et les regarderions briser les branches et ne serions pas
obligé de tirer, et je m’étendrais dans les feuilles tombées
et regarderais les koudous brouter et ne tirerais jamais à moins
de voir des bois plus beaux que ceux que j’avais à l’arrière
de l’auto et, au lieu de suivre cette antilope noire, atteinte au bas-ventre,
toute la journée je m’allongerais derrière un rocher et les
regarderais sur le flanc de la montagne et les verrais assez longtemps
pour qu’elles m’appartiennent à jamais. (...) Il y eut un grognement
chuintant et pas un mouvement dans les roseaux. Puis il y eut un bruit
de craquements un peu plus loin et nous vîmes les roseaux onduler
à cause de quelque chose qui se ruait à travers eux vers
la rive opposée, mais nous ne pouvions pas voir ce qui provoquait
ce frémissement. Puis je vis le dos noir, les cornes largement écartées,
dressées en pointe et ensuite la ruée rapide d’un buffle
escaladant l’autre rive. Il montait, le cou tendu, la tête lourde
de cornes, le garrot arrondi comme celui d’un taureau de combat. (...)
Je pensais aux buffles, comment ils nous étaient apparus la fois
où nous en avions tué trois, comment le vieux taureau était
sorti des buissons, tout assomé qu’il était, et je pouvais
voir les cornes, le garrot baissé, le museau en avant, les petits
yeux, le rouleau de graisse et de muscles sur son cou gris, au poil rare,
à la peau écailleuse, cette lourde puissance et cette rage
qui était en lui, et je l’admirais et le respectais, mais il était
lent et, tout le temps que nous tirions, je savais que c’était réglé
et que nous l’avions. »
Zèbres
«
Chasser le zèbre n’était pas drôle : la plaine morne,
maintenant que l’herbe était séchée, nous semblait
chaude et poussiéreuse après les collines et le souvenir
que j’en garde est d’être resté assis contre une termitière
avec, dans le lointain, un troupeau de zèbres galopant dans le nuage
de chaleur gris, soulevant une grande poussière, et, sur la plaine
jaune, les oiseaux tournoyant au-dessus d’une tache blanche ici. »
Antilopes
«
Nous rampâmes jusqu’à un endroit rocheux, abritant les jumelles
avec mon chapeau pour qu’elles ne brillent pas au soleil, M’Cola hochant
la tête et grommelant tandis qu’il remarquait le caractère
pratique de ce geste, nous regardâmes aux jumelles le côté
opposé de la prairie près de l’extrémité de
la forêt, et puis dans le creux au sommet de la vallée, et
elles étaient là. M’Cola les vit juste avant moi et me tira
par la manche.
‘N’Dio’,
dis-je. Puis je retins ma respiration pour les observer. Elles semblaient
toutes très noires, trapues, avec une lourde encolure. Elles avaient
toutes les cornes recourbées en arrière. Elles se trouvaient
à une grande distance, quelques unes étaient couchées.
Une autre était debout. Nous en voyions sept.
‘Où
est le mâle ?’ demandai-je.
M’Cola
fit un geste avec sa main gauche et compta quatre doigts. C’était
une des antilopes couchées dans l’herbe haute et l’animal semblait
beaucoup plus gros et les cornes d’une plus grande envergure. »
Vertes
collines d’Afrique
“Nous
continuâmes le long du versant de cette colline sur un plateau
plaisant légèrement en surplomb et puis nous arrivâmes
à l’extrémité de la colline, là où il
y avait une vallée et une longue prairire à découvert
avec des arbres tout à fait au bout et un cercle de collines au
sommet de la crête où une autre vallée s’ouvrait vers
la gauche. Nous nous arrêtâmes à la lisière des
bois qui se trouvaient sur le versant de cette colline d’où l’on
voyait la vallée herbeuse qui s’étendait et devenait une
espèce de bassin escarpé, couvert d’herbe à son extrémité
la plus haute où il s’appuyait contre les collines. A notre gauche
se trouvaient d’abruptes collines boisées, aux sommets arrondis,
avec des affleurements de calcaire qui allaient de là où
nous nous trouvions jusqu’au haut de la vallée où ils formaient
une partie de l’autre chaîne de collines qui la fermaient. Au-dessous
de nous, à droite, le paysage était tout sauvage et coupé
de collines et de prairies avec ensuite une pente raide boisée qui
rejoignait les collines bleues que nous avions vues à l’ouest, au-delà
des huttes. »
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